xkcd.com-1966 smart home security

Les chapitres précédents consistaient à mettre en place une régulation de chauffage locale, peu chère et configurable à l'infini grâce à Home Assistant ; celui-ci portera sur les solutions clé en main disponibles sur le marché.

L'engouement autour des économies d'énergie via des appareils connectés est-il justifié ? Que dit la recherche à ce sujet, pouvons-nous remettre en perspective les prétentions commerciales avancées par les fabricants ? Les réglementations et subventions sont-elles fondées sur l'état des connaissances actuelles en la matière ?

Bonne lecture !

Sommaire

Comment l'efficacité énergétique d'un appareil de chauffage est-elle calculée ?

efficacité saisonnière étiquetage erp Étiquetage ErP et efficacité saisonnière. Attention, il ne s'agit pas de « rendement » (qui ne peut être exprimé qu'entre 0 et 100% ; cf. l'article précédent). Les classes de performances (A, B, C, D, etc.) représentées sur l'étiquette règlementaire correspondent à des paliers de l'ETAS (efficacité énergétique saisonnière) exprimée par le symbole «ηs» (lettre grecque éta).

Depuis 2015 la règlementation européenne ErP (Energy related Products)[1] est rendue obligatoire pour tous les produits nouvellement mis sur le marché. Elle oblige notamment les industriels à appliquer un étiquetage sur chaque appareil et à garantir une efficacité et des émissions de polluants minimums.

L'ErP prend en compte l'installation dans sa globalité sur toute une saison d'utilisation. Il n'est pas rare que l'efficacité d'un ensemble d'appareils (chaudière + thermostat) soit supérieure à celle des composants pris indépendamment. Sont pris en compte les phases de démarrage/ralenti/veille, les pertes, la consommation électrique nécessaire pour le fonctionnement de l'appareil, et… la présence d'éventuels régulateurs de température.

Formule de l'efficacité énergétique saisonnière ηs


ηs (en %) = ηsai – ∑fi

ηsai : moyenne pondérée de l'efficacité mesurée à 100 % et à 30 % de la puissance de l'appareil.
∑fi : somme des facteurs de correction tenant compte de la régulation de la température, de la consommation énergétique des auxiliaires, des pertes à l’arrêt, etc.

Source : Viessman - Label ErP et étiquette énergétique.

Quelle installation correspond à quelle efficacité espérée ?

Type de régulateurClassePoints d'ηs gagnés (%)Action
Thermostat d'ambiance marche/arrêt + hystérésisI+1ON/OFF
Courbe de chauffe + sonde extérieureII+2Modulation de puissance
Courbe de chauffe + sonde extérieureIII+1.5ON/OFF
Thermostat d'ambiance marche/arrêt + PIDIV+2ON/OFF, durée de chaque cycle et rapport cyclique (rapport durée de marche/durée d'arrêt)
Thermostat d'ambiance + courbe de chauffeV+3Modulation de puissance
Thermostat d'ambiance + courbe de chauffe + sonde extérieureVI+4Modulation de puissance
Thermostat d'ambiance + courbe de chauffe + sonde extérieureVII+3.5ON/OFF
---
Thermostats d'ambiance sur plusieurs zonesVIII+5Modulation de puissance

Source : elyotherm.fr : Ettiquetage ErP.

Selon la classification ErP, pour une régulation monozone avec loi d'eau (courbe de chauffe) prenant en compte la température extérieure), on obtient une efficacité énergétique 3% supérieure à celle correspondant à la régulation par thermostat basique ON/OFF.

Ces chiffres sont importants car même si les conditions de test sont remises en cause dans le futur, ils ont le mérite d'être assez réalistes et de faire réfléchir lorsqu'il s'agit d'investir dans une amélioration «intelligente» de son système.

Notion importante à propos des prix pratiqués pour les thermostats intelligents

Comme pour les médicaments, il n'est pas calculé sur la base du coût de fabrication mais sur le montant théoriquement économisé avec l'usage du produit.
À partir de là pour justifier des prix élevés à l'achat, l'enjeu sera d'arriver à annoncer par n'importe quel moyen des économies toujours plus importantes. Un narratif de vente sera ensuite construit dessus.

Compte tenu du prix du matériel, le retour sur investissement n'est pas attendu avant des années. De plus, un système plus complexe devient plus sujet aux pannes…

La domotique : un problème économique mais aussi éthique

schéma de telediagnostic, un risque pour la sécurité de vos données Coucou, tu veux voir ma grosse backdoor ? Fallait oser faire ce genre d'infographie… Télédiagnostic = risque pour votre vie privée.

Très souvent le matériel « intelligent » vient avec des solutions d'assistance qui consistent ni plus ni moins à installer une télémétrie[2] complète ; de surcroît, moyennant finance.

Ci-après vous trouverez des arguments de vente constatés, sur les sites de Chaffoteaux, Tado, Netatmo, etc. Remarquez l'habillage marketing habile à l'aide de mots-clés ventant la praticité, la sérénité ou l'optimisation ultime.

Veille & Conseils* (Care & Protect) surveille votre système de chauffage jour et nuit, vous avertit si un comportement inhabituel est détecté, et vous aide à résoudre d’éventuels problèmes vous-même.
Grâce au Télédiagnostic, il devient possible de superviser son parc de systèmes de chauffage à distance.

  • Pilotage en temps réel et à distance du système installé chez les clients
  • Intervention à distance afin d'optimiser les principaux paramètres de l'installation
  • Réception des notifications en temps réel en cas de dysfonctionnement
  • Optimisation de son temps d'intervention en identifiant à distance le type d'intervention nécessaire
  • Sérénité grâce au télédiagnostic avec son installateur

Autre type de fonctionnalité problématique (parmi d'autres comme la commande vocale…) :

Le thermostat connecté est couplé au Smartphone de l’utilisateur et utilise la puce GPS intégrée dans ce dernier. Le thermostat connait en permanence la distance entre l’utilisateur et son logement.
À l’aide de l’application l’utilisateur détermine une distance autour de son domicile. Lorsqu’il entrera dans cette zone géographique, le thermostat donnera l’ordre à la chaudière de démarrer et par conséquent d’avoir la température de confort souhaitée.
Remarque : Le thermostat ne connait pas exactement votre position mais seulement la distance par rapport au foyer donc aucun problème de confidentialité des données.
Source : Cegibat, le centre d'expertise de GRDF

M'enfin, même si le bidule installé chez vous ne connait pas votre position géographique, la situation est pire puisqu'un serveur l'a reçue pour calculer la distance non ? Faut avoir un QI négatif pour oser écrire exactement l'inverse de ce que le système fait !

PS : Ce genre de fonctionnalité peut tout à fait être géré par Home Assistant à l'aide de l'application pour ordiphone.

Avoir recours au Cloud revient à accepter d'envoyer ses données sur l'ordinateur de quelqu'un d'autre. Vous n'aurez plus la maîtrise de vos données personnelles en déléguant cette responsabilité à un tiers. Vos données et habitudes valent de l'or ; tout moyen est bon pour mettre la main dessus. C'est encore mieux si vous payez pour cela.

netatmo annonce 37% d'économies Tiré du document Guide de Formation de Netatmo. Les données utilisateurs sont stockées, puis traitées pour terminer en arguments commerciaux ayant l'allure de preuves scientifiques (cliquer pour agrandir).
Voir aussi les mentions légales de Netatmo concernant l'application mobile liée au thermostat…

Aucun de ces produits n'est éthiquement responsable. Pourtant ils se vendent, car c'est la contrepartie proposée pour faire des économies dans un contexte oppressant de hausse du coût de l'énergie, ou pour simplifier tel ou tel processus.

Notons qu'il s'agit également de rendre un système dépendant d'un maillon supplémentaire d'approvisionnement : réseau de gaz pour le combustible, réseau électrique, et dorénavant Internet pour la gestion à distance reposant elle-même sur l'infrastructure du constructeur. Récemment le cloud d'Ariston/Chaffoteaux (Chaffolink) est tombé en panne pendant plusieurs jours laissant des utilisateurs sans eau chaude…

cloud chaffolink en panne des utilisateurs témoignent avoir été privés d'eau chaude Panne du cloud d'Ariston/Chaffoteaux (Chaffolink) : les utilisateurs se retrouvent sans eau chaude (cliquer pour agrandir). Lien GitHub

Tado° : la torsion de la preuve scientifique

Soyons clair, les industriels ont le droit de commander des études pour justifier la mise sur le marché de leurs produits. En revanche ne pas respecter le processus de publication scientifique est la porte ouverte à tous les abus, notamment en ce qui concerne le fait de ne pas étayer ses preuves, et de ne pas les soumettre à une analyse critique. Un produit soutenu par de tels arguments ne vaut pas plus qu'un cosmétique, même vendu par LVMH

Tour d'horizon des promesses annoncées

slogan publicitaire tadoslogan publicitaire tado Quelques slogans publicitaires qui pourraient bien reposer sur du vent…


Le plus intéressant est l'étude avancée par cette société allemande pour justifier les arguments commerciaux : tado met en valeur un rapport aux allures scientifiques

recherche google montrant le faible nombre de résultats concernant le rapportrecherche google montrant le faible nombre de résultats concernant le rapport Une simple recherche sur Google permet de juger l'impact et le sérieux du document. La recherche des documents est circulaire, les sources se citant les unes les autres, c'est TOUJOURS un très mauvais indicateur de confiance.

Une recherche montre que l'étude dont il est question n'est citée nulle part ailleurs que chez Tado°, qui comme on le verra plus loin, l'a manifestement payée.

L'institut Fraunhofer de physique des bâtiments est considéré comme un centre de recherche ; dans ce cas pourquoi ne pas publier ses études dans des revues à comité de relecture pour lever le doute ?

Fraunhofer est institut qui détenait partiellement (avec Philips, France Telecom et Thomson) les droits sur le codec propriétaire MP3. Jusqu'en 2017 (date d'expiration du brevet) ces sociétés ont perçu des sommes sur chaque appareil vendu capable de lire le MP3.

Analyse critique de l'étude de l'institut Fraunhofer

Résumé rapide et conclusions

Il s'agit d'un rapport très favorable au produit. En résumé pour ceux qui n'ont pas le temps de lire les détails qui suivront dans le prochain chapitre :

  • Le rapport avance très clairement que la réduction de l'énergie consommée de 12 à 28% est très largement due à une coupure du chauffage durant le temps que les occupants passent hors de leur logement, au détriment parfois d'une température de consigne non atteinte à leur retour. Plus les absences sont prolongées et fréquentes, plus les économies sont importantes !

  • La prise en compte de la météo peut à elle seule être responsable d'une économie de 0,4 à 6% (dépendant de la taille des fenêtres simulées ; comprendre qu'il s'agit de la prise en compte des apports solaires). Ces résultats sont à rapprocher des chiffres avancés par la directive ErP (1,5-5%).

  • Le dernier paramètre testé porte sur la détection des fenêtres restées ouvertes : 1 à 12% d'économies.

Concrètement les promesses d'économies sont fortement grevées si vous avez déjà les comportements suivants :

  • couper/baisser le chauffage la nuit
  • couper/baisser le chauffage en quittant votre logement
  • ne pas laisser des fenêtres ouvertes au-dessus des radiateurs
  • baisser le chauffage quand le soleil fait monter la température du logement

Il est raisonnable d'avancer que le matériel va potentiellement vous libérer de ces tâches en réduisant quelque peu la consommation du logement.

Le conflit d'intérêt n'est annoncé qu'à la fin avec cette phrase qui indique qu'il s'agit bien d'une commande :

This IBP-Report summarizes the findings of a full report No. EER-021/2022/720 that can be requested from the client tado° GmbH.

Résumé détaillé

Voici quelques points que j'aimerais critiquer sur les méthodes et résultats avancés.

  • Utilisation d'un système de détection de présence et de prévision de l'heure d'arrivée des habitants par GPS.
    => Les économies sont essentiellement basées sur l'optimisation des périodes de chauffe selon la présence de l'habitant.

  • Modèle météo et modèle d'ensoleillement pour une géolocalisation centrée sur Munich (climat continental).
    => Bien que les mesures soient relatives (un écart de 10°C est identique à Munich ou à Paris), il faut garder en tête que les climats français sont plus variés (océanique, semi-continental, méditerranéen, montagne). Les écarts de température/ensoleillement au cours des jours/saisons engendrent des usages différents. Par exemple dans un climat froid un habitant sera moins enclin à éteindre son chauffage en quittant son logement pour le retrouver très peu confortable à son retour… Un système qui anticipera les coupures va forcément modifier fortement la consommation du logement.

  • Aucune information sur le système de chauffage simulé (pompe à chaleur en continu, chauffage au gaz, fioul, condensation ou classique, régulation ON/OFF ou modulation).
    => Ceci a son importance car comme on l'a vu précédemment, les thermostats ayant des régulations ON/OFF sont incompatibles avec les systèmes modernes. Systèmes modernes peu efficaces si arrêtés fréquemment, a contrario, les chauffages en continu à des températures élevées dégagent de fortes économies lorsqu'ils sont arrêtés…

  • Le rapport est entièrement basé sur une simulation (aucune mesure en conditions réelles), effectuée avec le logiciel de simulation énergétique TRNSYS (entre 5000€ et 10000€ selon les addons choisis). Loin de moi la volonté de critiquer ce logiciel. Néanmoins les études reposant à 100% sur des simulations ont tendance à être très optimistes comme on le verra plus tard dans une vraie étude cette fois.

graphique difficile à interpréter tiré de l'étude de l'institut Fraunhofer L'incontournable graphique illisible et non commenté.

En partie supérieure de l'illustration ci-dessus, un bar plot cumulé. Habituellement une horreur à lire et un excellent moyen de cacher sous le tapis des résultats qu'on ne veut pas expliquer. Autant les sections extrêmes supérieures et inférieures sont faciles à comparer, autant les sections intermédiaires sont impossibles à comparer sans gymnastique intellectuelle (pas d'axe de référence).

Il montre a minima qu'il y a une tendance à la réduction du temps où la température du logement se situe dans les catégories 1 et 2 (surchauffe et confort optimal) au profit des catégories 3 et 4 (confort modéré et logement sous-chauffé).

Catégories & critères d'ambiance intérieure pour bâtiments d’habitation : pièces de séjour (chambres, séjour, cuisine, etc.)

CatégorieTempérature
I21°C
II20°C
III18°C

Source : Critères d’ambiance intérieure.

La partie inférieure est assez brouillon, difficile de savoir ce qu'on doit y voir. J'y relève quelques curiosités.

  • À bâtiment et système de régulation identiques une personne seule consomme à peine moins qu'une famille (environ -4%).

  • Une régulation multizone semble n'être plus efficace qu'une régulation monozone que dans les vieux appartements. Partout ailleurs (appartement récent, vieille maison ou maison récente (sauf personne seule dans maison récente)), le gain est négatif par rapport à une régulation monozone. Ceci contredit la classification ErP qui veut que le multizone soit toujours plus performant !

  • Autre curiosité mise en valeur par le trait rose, la consommation simulée d'une maison récente semble être inférieure à celle d'un appartement récent !

  • Le choix de l'axe des ordonnées gauche n'est pas heureux puisqu'on se moque de savoir combien de kWh un logement consomme ou qu'une habitation récente consomme moins qu'une ancienne. Ce qui intéresse ici est la réduction calculée. Or cela n'est pas bien mis en valeur pour les habitations récentes (sommets des barres très rapprochés et confinés dans les faibles valeurs). On aurait apprécié un 2nd graphe normalisant les résultats en prenant la référence de chaque catégorie… en référence.

Attention donc au bruit dans les chiffres générés par les algorithmes. D'où l'importance de la notion de significativité, totalement absente des chiffres présentés.

Netatmo : des économies annoncées au doigt mouillé

Legrand se cache derrière cette marque ; cette fois-ci c'est français.

Deux thermostats sont disponibles :

  • Thermostat intelligent
  • Thermostat intelligent modulant

Le premier est un thermostat ON/OFF avec un relais. Bien qu'ayant des algorithmes plus complexes qu'un simple thermostat ON/OFF il ne pourra pas adapter la température de l'eau. En bref c'est globalement identique à votre vieux thermostat mural mais en BEAUCOUP plus/TROP cher.

Le second est annoncé modulant à condition d'avoir une des rares chaudières compatibles avec le protocole OpenTherm. Étant donné qu'il existe bon nombre de chaudière modulantes non compatibles OpenTherm (dont la Mira C Green qui a fait l'objet des articles précédents), ce n'est PAS le thermostat proposé pour ces systèmes !

Au moins Tado° s'est cassé la tête pour être électroniquement compatible avec la plupart des bus de données (eBus, BridgeNet, OpenTherm, EMS, KM-Bus). Ce n'est pas le cas de Netatmo.

OpenTherm

Le protocole est assez ancien (1996) mais en retrait vis à vis des autres solutions (eBus, KNX, etc.). Il s'agit comme pour eBus d'un système faisant appel à 2 fils insensibles à la polarité.

Comment souvent le protocole est ouvert mais les constructeurs sont libres d'y ajouter leur surcouche propriétaire.

Pour une compatibilité ascendante avec les contrôleurs thermostatiques à traditionnels, OpenTherm permet un comportement ON/OFF si les deux fils sont connectés ensemble.

Attention donc aux faux thermostats intelligents qui se contenteront de relier les 2 bornes pour fonctionner dans un mode dégradé.

Source : Wikipédia - OpenTherm.

Netatmo annonce des économies d'énergie qui pour moi sont délirantes : entre 33% et 42% selon les pays, par des données agglomérées depuis la télémétrie des appareils achetés (chiffres tirés du guide de formation).

Les prochains chapitres remettront en perspective ce genre de données. Il est en effet peu probable que la réduction de consommation soit aussi importante et quasi identique sur plusieurs pays séparés par des milliers de kilomètres (c.-à-d. aux climats et habitudes différents). On est en droit de se demander comment la société traite ses données pour arriver à ce résultat.

Ce que dit la science dans une méta-analyse

Résumé rapide et conclusions

En 2018 a été publié chez Elsevier la première étude faisant l'état de l'art à l'époque (synthèse s'efforçant de résumer et évaluer l'ensemble des travaux déjà produits dans un domaine) : Do domestic heating controls save energy ? A review of the evidence (lomas2018). Sur les 2400 documents candidats, seuls 67 ont montré des preuves utilisables.

Voici les questions posées (et à se poser) lors de l'évaluation de la pertinence des sources :

  • L'auteur ou l'organisme de publication a-t-il des antécédents crédibles dans le domaine ?
  • Le raisonnement et les questions de recherche sont-ils clairs et justifiés ?
  • Le document mentionne-t-il les sources de financement, les contributeurs au projet et les conseillers, et énumère-t-il les éventuels conflits d'intérêts ?
  • Les méthodes utilisées sont-elles adaptées aux objectifs de l'étude ?
  • Le document a-t-il fait l'objet d'un examen par les pairs ou d'une vérification indépendante par un ou plusieurs experts réputés ?
  • Les conclusions correspondent-elles aux données présentées ?

Les niveaux de preuve suivants ont été définis pour évaluer la qualité des résultats trouvés dans les sources :

Niveau de preuveSignificationTypes de travaux inclus
hautavoir plus de travaux de recherche a très peu de chance de changer la confiance dans l'estimation du phénomène observé- plusieurs études de bonne qualité avec des résultats solides
- 1 large essai multicentrique (plusieurs organismes suivent le même protocole)
modéréplus de travaux recherche pourrait changer de manière importante la confiance dans l'estimation ou changer l'estimation- 1 étude de bonne qualité
- plusieurs études avec quelques limitations
basplus de travaux de recherches serait très susceptible de changer la confiance dans l'estimation ou changer l'estimation- au moins 1 étude avec de grosses limitations
très bastoute estimation est incertaine- pas d'étude
- études très mauvaises
- simples opinions exprimées

Comme précédemment, voici un résumé de la méta-étude avant plus de détails sur l'évaluation de divers types de thermostats/contrôleurs :

  • Aucun haut niveau de preuve sur le plan des économies ou du retour sur investissement.

    • Tout dépend du prix d'achat du matériel.
    • Seulement 5 documents sur 67 essaient d'évaluer le rapport investissement/économies.
    • Certains contrôleurs permettent d'économiser l'énergie par rapport à des systèmes qui restaient allumés en permanence mais pas lorsque les systèmes étaient déjà utilisés de manière périodique.
    • Certains seront efficaces avec certains groupes/catégories de personnes, d'autres non. Les contextes social et technique sont à prendre en compte.
  • Niveau de preuve modéré sur le fait que thermostats intelligents ne permettent pas d'économiser de l'énergie par rapport aux thermostats et programmateurs standard et qu'ils peuvent, en réalité augmenter la demande d'énergie.

En conclusion :

  • Il est difficile d'économiser dans des logements bien isolés avec un système de gestion de chauffage déjà bien conçu.
  • Il est facile d'économiser dans des logements mal isolés même avec des éléments de contrôle simples.

  • Il est difficile d'économiser dans les endroits où la culture de couper le chauffage en l'absence des occupants est déjà présente. À l'inverse c'est facile lorsque la norme est de laisser le système allumé en permanence.

  • La plupart des documents ne présente pas de constatation/description précise d'une référence avant installation du nouveau matériel. Idem en ce qui concerne l'absence d'un groupe contrôle qui ne recevrait pas d'intervention. Dans ces conditions, aucun niveau de preuve ne peut recevoir le grade élevé.

  • Un certain nombre d'études ont fait état de changements des contrôleurs dans le cadre d'un ensemble de mesures d'efficacité énergétique. Dans de telles études, il est impossible d'évaluer l'effet des thermostats, car ils peuvent très bien permettre des économies d'un ordre de grandeur inférieur aux mesures d'efficacité énergétique appliquées à la structure du bâtiment.

  • Les études sont sur des périodes courtes, ce qui exclut de facto des biais comme la perte d'intérêt pour les utilisateurs vis à vis de leur nouveau matériel (moins de réglages), l'usure de la chaudière, ou la fiabilité des contrôleurs,

  • Aucune étude n'a pris en compte, avec une taille d'échantillon suffisante, le coût et les perturbations liés à l'installation de nouveaux contrôles. Idem pour l'influence que les installateurs peuvent avoir sur l'efficacité des contrôleurs. Ces facteurs pourraient fortement influencer la propension à adopter le matériel, la configuration initiale et la compréhension par les occupants de la manière de l'utiliser, et donc les économies d'énergie.

Résumé détaillé

Il me semble important de rapporter les faits et biais liés, aux économies d'énergie, au déroulement des études et aux divers types de thermostats.

Thermostats standards (ON/OFF)

Niveau de preuve limité ou absent.

  • Le fait d'être au courant et de savoir manipuler les contrôleurs joue déjà énormément sur les économies réalisables.

  • La complexité et la difficulté à configurer sont des freins qui limitent l'adoption et érodent les économies potentielles et donc le retour sur investissement. Pour autant il n'y a pas de preuves que l'utilisabilité affecte la demande d'énergie.

  • Observation d'un effet rebond chez les personnes qui arrivent à maitriser leur système : ils augmentent leur confort et non les économies d'énergie.

Thermostats non intelligents

Ce sont soit des thermostats ON/OFF mais qui se agissent en fonction de la température ambiante mesurée, soit des thermostats qui adaptent la température de l'eau en fonction de la température extérieure (loi d'eau).

Pour tous, le niveau de preuve est modéré quant aux économies réalisées. Elles ne sont dégagées que si le chauffage était continu avant leur installation. Ils limitent la surchauffe et sont compatibles avec les chaudières modulantes sans entraver leur efficacité. Leur installation peut être envisagée à condition que le prix soit bas.

  • Une étude rapporte un test réel sur 28 logements avec des motifs de chauffe intermittente et un thermostat ON/OFF. Elle n'a pas montré d'économies réalisées.

  • Une autre étude de terrain a porté sur des logements avec chauffage par le sol et rapporte 10 à 18% d'économies. Mais les contrôleurs installés venaient en remplacement de contrôleurs anciens défaillants…

  • Une dernière étude sur 10 maisons ayant des régulations variées a rapporté de 5 à 60% d'économies. Mais il n'y a pas d'indication sur les capacités antérieures de régulation des systèmes…

Thermostats intelligents

  • avec détection de présence et gestion par zone des pièces

    • Une étude en conditions réelles a démontré une réduction de 8-18% de la consommation de gaz, et entre 27 et 35% en comparaison à une maison chauffée en permanence. Les résultats sont essentiellement dus à la détection de l'occupation des pièces (sans en spécifier la part dans le résultat), au temps de chauffage par pièce et à l'intermittence du chauffage.

    • Une autre étude a travaillé sur la différence de ces thermostats avec des thermostats classiques sur des logements. Elle a démontré une réduction de consommation de gaz de 11.8% avec toutefois une réduction de l'efficacité de la chaudière de 2.4% à cause de l'intermittence.

    • Une étude réutilisant les données précédentes dans un modèle a permis de démontrer que les économies dues au thermostat sont réduites de 0.2 à 2% dans un logement ayant bénéficié d'une rénovation thermique.

    • Une simulation d'une maison mal isolée basée sur le modèle TRNSYS a calculé une réduction de 10 à 15% sur la consommation d'énergie. Mais cette fois le modèle n'était pas calibré et la réduction de l'efficacité de la chaudière non incluse. Les chiffres sont donc à revoir à la baisse.
      Note : On se rapproche ici d'une situation similaire à celle de l'étude de l'institut Fraunhofer mais avec des chiffres bien moins avantageux.

    En conclusion, 10 à 18% d'économies semble réaliste avec un niveau de preuve modéré. L'installation peut être envisagée à condition que le matériel soit peu cher.

  • avec détection de présence et thermostats programmables

    Ces thermostats permettent de chauffer les pièces en fonction d'une température demandée ET sur des plages horaires définies.

    • Une étude a démontré un accroissement de consommation d'un facteur 3 entre les appartements équipés et ceux qui ne l'étaient pas. La plupart des utilisateurs ont choisi une température fixe, permanente et plus élevée.
      Néanmoins, les utilisateurs qui ont choisi une température de retrait (nuit etc.) avec peu de modifications manuelles ont économisé 65% d'énergie en plus que les autres.

    En conclusion : Aucune preuve de réduction de consommation ou de retour sur investissement.

  • intelligents avec prédiction des plages de chauffe, détection et/ou prédiction de présence, géolocalisation

    • Une étude de terrain à petite échelle (1 maison) a démontré une réduction de 14% de la consommation d'énergie, dont 9% dus à la réduction du temps de chauffage et à la réduction de la température des pièces basée sur la détection de la présence des occupants. Les 5% restants sont dus à l'optimisation du fonctionnement de la chaudière.

    • Une étude sur simulation a cherché à comparer les stratégies d'arrêt du chauffage. La stratégie consistant à stopper le chauffage en anticipant le départ des occupants a permis d'envisager une réduction de 4-5% à 4-12% de la consommation selon les maisons. La stratégie consistant à stopper le chauffage au moment du départ des occupants a permis d'envisager une réduction de 1% voire 2-8% de la consommation. Toutefois, le test de l'algorithme sur le terrain a mis en évidence qu'il se trompait dans 60% des cas en coupant le chauffage alors que les occupants étaient dans le logement.

    • Une étude en conditions réelles (3 foyers) a tenté d'améliorer l'entrainement d'un algorithme de prédiction en faisant porter aux adultes des logements des tags RFID dont la détection permettait d'assumer leur présence. En comparaison avec des plages de chauffe programmées par les occupants eux-mêmes, la consommation a augmenté de 1% et 5%, et a baissé de 2% dans le dernier logement. Les périodes de chauffe en l'absence des occupants ont néanmoins baissées de 84 à 92%. Il semble que les occupants aient préféré améliorer leur confort par de multiples corrections manuelles.

    • Une étude par simulation (non calibrée et non vérifiée sur le terrain) a tenté de déterminer le potentiel d'économies de logements chauffés 24h/24h à 20°C. La prédiction a retourné un potentiel de 6 à 17% d'économies. Le rapport signale que le quart des maisons avec le plus bas niveau d'occupation ont 1 potentiel d'économies 4 à 5 fois supérieur que le quart des maisons ayant le plus haut taux d'occupation. Les économies pour les logements mal isolés sont 2 fois supérieures par rapport aux logements bien isolés. Les économies potentielles chutent notamment pour un climat nuageux (tenir compte des apports solaires est donc un facteur important).
      Tous les algorithmes testés ont démontré une hausse de la consommation de 2 à 4% par rapport à l'algorithme qui coupait/allumait le chauffage au moment du départ des occupants. L'étude étant britannique, les auteurs mentionnent que cette pratique est déjà ancrée dans les habitudes. Par conséquent dans ce contexte il est mis en évidence que de tels thermostats augmentent en fait la consommation.

    En conclusion : Ces appareils sont récents, peu de données sont disponibles. Les chiffres dépendent beaucoup des algorithmes développés. Le niveau de preuve est modéré quant aux économies réalisées. Ils peuvent mener à une augmentation de la consommation de 5% dans les maisons déjà chauffées périodiquement, ou à une diminution d'au mieux 4% pour les logements chauffés en continu comme avec des pompes à chaleur.
    Une diminution des périodes de sous-chauffage lors de l'occupation du logement est observée, ce qui tend vers une augmentation du confort au détriment des économies espérées.

L'influence de l'isolation des habitations britanniques sur la consommation d'énergie

Une dernière étude publiée en janvier 2023 révèle que les gains énergétiques dérivés des rénovations thermiques sont faibles et ne sont efficaces qu'à court terme : Assessing the effectiveness of energy efficiency measures in the residential sector gas consumption through dynamic treatment effects: Evidence from England and Wales.

L'illustration de ce qu'est un effet rebond y est flagrante ; les habitants modifient leurs habitudes et préfèrent accroître leur confort en dépensant autant qu'avant dans le meilleur des cas. Par ailleurs, après quelques années les personnes pensent avoir amorti leurs dépenses et limitent moins leur chauffage.

Les 20% des ménages les plus pauvres, ont tendance à accroître leur consommation pour bénéficier d'un logement plus confortable. Tandis que les ménages des zones défavorisées ne constatent aucune économie d'énergie.

On observe également que les rénovations thermiques s'accompagnent souvent d'une extension des maisons. La consommation n'est donc pas plus faible. Il faut aussi noter que certains isolants comme la laine de verre perdent leurs caractéristiques avec le temps…

Des subventions gouvernementales basées sur des plaquettes publicitaires

Le problème est que les chiffres, plus fondés sur des arguments commerciaux que sur des preuves scientifiques (qui sont fragiles comme on l'a vu), deviennent des justifications pour l'attribution de subventions ou d'aides.

plaquette d'information de l'ADEME non sourcée Vous n'avez pas rêvé, c'est bien une plaquette d'information de l'ADEME sans la moindre source, pas une publicité.
Source : ADEME - Pourquoi passer au thermostat programmable ?


slogan publicitaire de tado Ceci en revanche est bien une publicité et non une communication de l'ADEME.


slogan publicitaire le thermostat tado chez engie Un dernier test : Ceci n'est pas une communication de l'ADEME mais une communication d'ENGIE. Serait-ce une publicité ?
(Indice : La référence (1) c'est pour faire genre on a une publication car la page n'en contient pas.)
Source : Comment fonctionne le thermostat connecté et intelligent tado° ?

L'État se fait VRP pour doper les ventes de produits à l'efficacité douteuse. Par ailleurs on se demande bien pourquoi l'ADEME, agence gouvernementale deviendrait une référence pouvant être citée au nom du consensus scientifique.

Ainsi entre 2014 et 2021, dans le cadre du Crédit d'Impôts pour la Transition Énergétique (CITE), 30% du prix d'achat d'un thermostat était déductible (si posé par un professionnel RGE).

Ce crédit a été remplacé par le dispositif MaPrimeRénov puis amélioré depuis janvier 2024 par l'aide « Coup de pouce pilotage connecté du chauffage pièce par pièce », dédiée aux thermostats connectés. Le minium d'aide selon la superficie du logement est de 260€… Les tarifs étant de l'ordre de 250€ hors installation, ce n'est plus là un coup de pouce mais carrément une subvention.

Notons que d'ici 2027 tous les logements neufs ET existants devront de toute façon être équipés (cf. Décret n° 2023-444 du 7 juin 2023). C'est dire l'étendue du marché qui s'ouvre. D'ici à envisager qu'il a été créé sous influence il n'y a qu'un pas.

journal officiel citant 15% au maximum d'économies avec un thermostatplaquette ADEME citant en moyenne 15% d'économies avec un thermostat Glissement dans les termes officiels utilisés, tantôt on annonce une moyenne, tantôt un chiffre limite.
En moyenne ou jusqu'à, c'est pareil non ? Non.
Sources : service-public.fr, developpement-durable.gouv.fr.

Sources de l'ADEME

L'ADEME ne semble pas publier ses sources ; en tout cas je n'ai pas pu les trouver car elles ne sont pas présentes dans ses communications officielles. Une demande est actuellement en attente de réponse...

Ceci modifie forcément les conclusions de l'article. Néanmoins il n'est pas normal de ne pas pouvoir remonter facilement à la source de chiffres ayant une si grande influence.

Depuis quand une agence de réglementation gouvernementale est considérée comme ayant des prérogatives en matière de recherche scientifique ? Depuis quand des infographies et des études de commande deviennent des sources fiables, bases de futures politiques déployées à l'échelle d'un pays ? Depuis quand « économies d'énergie et décarbonation » vont de pair avec le fait de doper les ventes de merdes électroniques hors de prix ?

Ce qui marche n'a en général pas besoin d'être subventionné pour justifier son existence.

Conclusion

À aucun moment la moindre étude sérieuse ne valide des chiffres suffisamment fiables en termes d'économies d'énergie pour justifier une prise de décision. Dans le meilleur des cas avec un niveau de preuve modéré, 18% d'économies semble être une limite.

D'un côté nous avons un étiquetage conçu par des professionnels du secteur qui annonce au mieux 4% d'économies, de l'autre nous avons des vendeurs de thermostats qui annoncent des chiffres atteignant 42% de réduction.

En l'absence de sources publiques, le 15% du gouvernement semble évalué à la louche entre les extremums avancés par les fabricants.

Ces chiffres excessifs font figure d'exceptions dans les rapports et ne sont applicables qu'à des situations bien particulières qu'il serait malhonnête de généraliser à n'importe quel acheteur, logement, climat, pays, etc.

On aurait déjà de gros progrès si les installateurs de thermostats les plaçaient dans les pièces à vivre et non dans des zones non chauffées comme les dégagements, couloirs ou escaliers de cave !

Un logement n'est malheureusement pas forcément plus sécurisé ou économe en énergie quand il est équipé d'électronique dont l'investissement est peu rentable.

Pour finir, quelques codes & automatisations additionnels ont été ajoutés dans une partie 5.

Sources


  1. Directive relative à l'étiquetage énergétique 2010/30/CE) 

  2. Technologie permettant la mesure à distance et la journalisation d’informations d’intérêt vers le concepteur du système ou un opérateur.