Tribune sur la fin de l'anonymat sur Internet : La police de la pensée en marche

Outil approprié pour hôter toute volonté de controle social identifiée chez un député.

Le député Renaissance Paul Midy, n'est pas un clown aux ordres du pouvoir. Dans sa tribune du 24 mars, il plaide de nouveau pour la fin de l’anonymat total sur les réseaux sociaux. S'il ne sait pas forcément de quoi il parle techniquement parlant, il sait pourquoi il le dit.

Cet ancien du cabinet de conseil américain McKinsey & Company (étonnant ?), s'est déjà fait remarquer durant l'été 2023 sur ces sujets liberticides entachés de censure administrative et d'analyse systématique des historiques de navigation des français (si si, c'est de ça dont-il s'agit) ; en effet, il est le rapporteur général du projet de loi SREN, qui n'est autre que le retour masqué de la loi Avia en version plus dangereuse et gonflée aux stéroïdes.

En démocrature, chaque semaine a son lot de scandales. Il y a 6 jours, c'était l'absurde Najat, éternellement en recherche d'une quelconque utilité depuis le début de sa carrière politique, qui plaidait en faveur d'un quota Internet de 3 Go de données hebdomadaires par français...

Tout cela s'est déjà passé. Et tout cela se passera à nouveau.^[1]

Le temps du « pourquoi sont-ils si bêtes ? » ou « pourquoi sont-ils si méchants ? » est révolu. Les libertés fondamentales vis à vis de la technologie sont en train de s'effondrer. Ce que vont donner les technologies que ces personnes souhaitent mettre en application nous est aujourd'hui encore, inconnu. On a du mal à évaluer ces changements au quotidien car on vit dans un climat post-démocratie âgé de « seulement » quelques décennies. Ces gens nous mènent vers le régime Tunisien de Ben Ali, avec possibilité de glissement vers le régime libyen de Khadafi. Ben Ali avait réussi à transférer le climat de paranoïa et de terreur de la rue, vers Internet et les réseaux sociaux.

Les abjects Paul Midy & Cie vivent pour tuer dans l'œuf tout mouvement de contestation avec les technologies les plus intrusives qui soient. La France a eu un rôle majeur dans l'écrasement des velléités des printemps arabes, avec ses technologies et son savoir-faire. Ce qui a été déployé là-bas sera ou est déjà déployé sur le territoire national.

Le DPI (Deep Packet Inspection) fournit par des entreprises comme #Nexa Technologies #Qosmos #Amesys #Bull #Atos (cocorico) a été utilisé dans les pays du Maghreb, l'Égypte, la Syrie, l'Arabie Saoudite, le Qatar. On remarquera une certaine tendance à « interpréter » les droits de l'Homme dans ces pays.

• Cybersurveillance en Libye et en Egypte : quatre dirigeants d’entreprises françaises mis en examen - juin 2021
• Dans les coulisses de la signature du contrat Amesys en Libye - dec 2020
• Espionnage de masse : des sociétés françaises au service de dictatures - oct 2013
• Bull de nouveau confronté au scandale Amesys - mai 2012
• Maroc : Le meilleur ami de la France se met au DPI grâce à Amesys, la filiale de Bull - nov 2011

Témoignage recueilli par Le Figaro en 2011 d'un militaire français à la retraite dans sa mission lybienne : "Nous avons mis tout le pays sur écoute. On faisait du massif : on interceptait toutes les données passant sur Internet: mails, chats, navigations Internet et conversation sur IP", précise-t-il, en détaillant : "Nous leur avons appris comment trouver des cibles dans le flow massif du pays et nous avons travaillé sur des cas d'école : par exemple, comment placer une université sous interception et trouver des individus suspects en fonction de mots-clés."
Source: Le Figaro

Le problème est qu'une fois qu'un État a appris à se servir d'un marteau, tout finit par ressembler à un clou, y compris sa population. Il n'y a alors plus de distinction entre servir la cause du pays et vendre des armes numériques qui asserviront aussi des populations. Les Paul Midy & Cie ont littéralement des hectolitres de sang sur les mains.

L'anonymat n'existe déjà plus...

... du moins pour la majorité de la population. Ceux qui en bénéficient encore ne seront pas davantage dérangés par les futures mesures.

Les acteurs du numérique ne cessent de le répéter, la loi offre déjà tout l’arsenal approprié pour retracer un internaute, le reste n'est que danger pour la liberté d'expression. (cf.Le Royaume-Uni enterre son projet de filtrage des sites pornographiques, L’Australie ne veut plus imposer de système de vérification de l’âge aux sites porno ). Avec la collaboration des plateformes et des FAI, la justice n'a aujourd'hui AUCUNE difficulté à retrouver l'adresse IP d'une personne, puis à établir la correspondance avec son identité.

Par ailleurs, si le but était réellement de mettre un terme aux débordements des réseaux sociaux, il faudrait s'intéresser en priorité aux facteurs algorithmiques qui mettent en avant les contenus problématiques et incitent les utilisateurs à en produire. Cela remettrait en question le modèle économique des géants actuels qui repose aussi « accessoirement » sur le non-respect systématique du droit à la vie privée et aux données personnelles. La diminution du pouvoir de nuisance et donc du monopole des GAFAM passe par l'obligation d'interopérabilité des réseaux sociaux pour laisser des alternatives éthiques se développer. Cela n'est pas le but et ne sera jamais à l'ordre du jour.

La fin de l’anonymat est malheureusement une obsession bien présente depuis l'ère Sarkozy et ses premières lois entravant les libertés individuelles à des fins de contrôle social. Obsession à laquelle chaque septennat a su adhérer avec duplicité.

L'infâme M. Midy ment éhontément quand il annonce que la fin de l'anonymat est nécessaire pour X ou Y raison. Ce serait une grave erreur de le considérer comme une copie de la nullité abyssale qu'était Christine Albanel à l'époque d'Hadopi. Si les arguments sont identiques, il ne s'agit pas cette fois de paresse intellectuelle, d'incompétence crasse, ou de lobbying grossier ; non, cette fois c'est un projet autoritaire de remodelage de la société à peine voilé.

Au menu, toujours les mêmes arguments fallacieux et narratifs, ne trompant que les influençables et galvanisant les veules ; la recette est simple : composez votre cocktail préféré à l'aide des ingrédients suivants, recommencez plusieurs fois par législature :

• protéger les concitoyens,
• protéger la démocratie,
• protéger de l’accès au porno,
• protéger contre les arnaques en ligne,
• reprendre le contrôle de l'espace numérique,
• lutter contre les atteintes aux droits d'auteurs,
• lutter contre le terrorisme et la pédopornographie,
• lutter contre la désinformation,
• lutter contre le cyberharcèlement, racisme, antisémitisme, misogynie, homophobie,
• filtrer les contenus (remarquer l'élément de langage élégant pour ne pas dire censure)...

Vendez le tout avec un ton rassurant comme quoi il s'agit « d'expérimentations ». Ce mot est devenu un outil de communication visant à faciliter l’acceptabilité sociale des dispositifs de contrôle.

Si possible ajoutez un ou deux sondages qui vont dans votre sens, dans le but de donner l'illusion d'une adhérence populaire à votre propos. Astroturfing et Nudge sont toujours bienvenus en temps de propagande.

Après tout pourquoi ne pas accepter d’être pris par la main et de se voir imposer des mesures coercitives si c'est pour notre bien ? Il est vrai que l'éducation et la prévention sont des mesures efficaces mais néanmoins fastidieuses intellectuellement et surtout contraires à l'agenda en marche.

La protection n'est pas le but, le contrôle l'est.

Interview lunaire du commercial en chef de chez Amesys, expliquant que Kadhafi luttait contre des pédophiles.
« Comment voulez-vous que je devine que mon logiciel d'écoutes globales, établissant des listes de contacts, vendu dans un pays comme la Libye, puisse servir à la traque d'opposants ? ».
Source : reflets.info, au micro Amira Souilem pour France TV. Propos proches de ceux rapportés dans le documentaire de Paul Moreira diffusé en 2012. Lien IMDB.

Depuis plus de 20 ans les manœuvres inquiétantes au regard de la mise à mal de l’anonymat en ligne, de l’atteinte à la liberté d’expression et de la négation du droit à la vie privée sont nombreuses.

Pour preuve, les directives liées aux droits d'auteurs, HADOPI, ACTA, les multiples projets et amendements en faveur de le censure administrative sans l'accord de juges, la loi Avia sous Macron 1, la loi SREN sous Macron 2, le DSA (Digital Services Act de Thierry Breton, un autre Paul Midy), le projet de Loi sur le renseignement sous Hollande, et bien sûr tous les avis, règlements ou projets relatifs à la lutte antiterroriste, et plus récemment à la protection lors des Jeux Olympiques...

La presse de cour est déjà là. Maintenant les députés nous orientent peu à peu vers une censure sur décisions opaques d'une police administrative, appliquée en secret par une poignée d'opérateurs choisis comme légitimes par le pouvoir en place.

Autant la jouer franc jeu et rétablir le pas si lointain Ministère de l'Information.

Les signataires de la tribune du 24 mars

Cette tribune n'est qu'un épiphénomène, une occasion d'aborder le sujet. Il est toutefois temps de s'y intéresser du point de vue des données. Un peu de réification en guise de catharsis.

Voici en fin d'article la liste de ces 125 cosignataires membres de la majorité, Modem, et Horizons avec leurs coordonnées (on aime bien faire des listes de gens en France donc moi aussi), faites en ce que vous voulez. En espérant que ces gens rendront des comptes à la hauteur de leur traîtrise vis à vis de ce qui reste de notre pauvre démocratie dégénérée. L'Histoire, elle, les jugera.

Au moins 21% des députés de l'Assemblée nationale en faveur, une surreprésentation surprenante des 50-60 ans.
Se débarrasssera-t-on un jour de ces nuisibles ?

Autre remarque, en dehors du fait qu'adhérer à ces idées nauséabondes satisfait au moins 21% de nos chers députés, 73% des signataires ont moins de 59 ans ; 58% entre 38 et 59 ans. Tous ont donc pu connaitre les débats sur la liberté d'expression et la neutralité des réseaux depuis les années 2000. De deux choses l'une, soit c'est un sujet qu'ils ne maîtrisent pas et feraient mieux de s'abstenir ; soit ils ont pleinement conscience du pouvoir de contrôle social qu'un gouvernement détiendrait du fait de leurs actes ; auquel cas d'un point de vue moral, ils devraient aussi s'abstenir d'y jouer un rôle.

Ce qu'il y a de rigolo avec le traitement de données, est qu'on met toujours en évidence des erreurs grotesques.

Il y a 13 noms non correctement orthographiés dans le texte de La Tribune. Qui de la rédaction ou des députés n'a pas su écrire les noms ou leurs propres noms, aucune hypothèse ne m'étonnerait.

Une ex-députée, Agnès Carel (Horizons) a signé ce texte de mars 2024 alors que son mandat a pris fin le 11 février 2024. Cela devait vraiment lui tenir très à cœur.

38 députés sur 578 possèdent une adresse courriel Gmail clairement mise en avant. Il est à craindre que bien plus utilisent en réalité ce service des plus problématiques en termes de souveraineté.

Sources

• La Tribune - « Pour la fin de l’anonymat total sur les réseaux sociaux » (Paul Midy) (mars2024)
• L'Opinion - « Violences urbaines : mettons fin à l’impunité sur les réseaux sociaux ! » - la tribune de Paul Midy (juillet 2023)
• Numerama - Des députés s’attaquent toujours à l’anonymat en ligne, qui n’existe pas (mars 2024)
• La Quadrature du Net - Projet de loi SREN et filtre « anti-arnaque » : les navigateurs comme auxiliaires de police (octobre 2023)
• Projet de loi SREN : le gouvernement sourd à la réalité d’internet (septembre 2023)
• le Blog de FDN - Le filtrage administratif, encore, vraiment ? (septembre 2014)
• salle421 - Loi Avia : la mobilisation de la Quadrature du Net contre une censure « autoritaire » (mars 2024)
• reflets.info - François Hollande et Manuel Valls sur les pas de Zine Ben Ali, Mouammar Kadhafi ou Bachar al-Assad (avril 2015)
• La Quadrature du Net - Dossier relatif à la censure
• 01net - (IFOP) – 8 Français sur 10 doutent de l’efficacité du blocage des sites X
• reflets.info - Le Deep Packet Inspection, une technologie mortelle